henri barbusse

1er janvier 15

Lettres à sa femme 1914-1917 d’Henri Barbusse Edition Buchet-Chastel

1er janvier 15.
  C’est ce matin, enfin, que je reçois deux lettres de vous, deux chères et gentilles lettres où vous me parlez de mon départ. Moi aussi, je pense continuellement à vous et je règle, non seulement toutes mes actions, mais aussi toutes mes idées, selon vous et en vous considérant. Quelle joie j’aurai de vous revoir! En attendant, il faut patienter gentiment et énergiquement.

  On quitte ce soir la tranche. Quelle vie! La boue, la terre, la pluie. On en est saturé, teint, pétri. On trouve de la terre partout, dans ses poches, dans son mouchoir, dans ses habits, dans ce qu’on mange. C’est comme une hantise, un cauchemar de terre et de boue, et vous ne sauriez avoir idée de la touche que j’ai; mon fusil a l’air d’être vaguement sculpté dans la terre glaise. On part pour le repos à la nuit tombée.

1er janvier 15.
  Cette nuit, nous avons entendu, en face de nous, les Allemands chanter leur hymne national et l’hymne autrichien, avant de nous canarder. Ce soir, on quitte la tranche pour le cantonnement, qui est changé, paraît-il.